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France 3 Pièces à conviction  Une vision simplificatrice et erronée d'un grand projet




Cette émission qui se voudrait celle d'un journalisme d'investigation à force de simplifications et de volonté de faire dans le sensationnel aboutit à une vision caricatural et ce qui est le plus grave, entre omission et erreurs , à une  présentation s'apparentant à une manipulation de l’opinion.
En découvrant le sujet consacré à la ligne nouvelle ferroviaire Lyon Turin et à la réalisation du tunnel franco-italien ce mercredi dans le studio de France 3 , je me suis interrogé sur une certaine dérive de l'audiovisuel public et me suis demandé si une émission produite dans les mêmes conditions aurait pu être réalisée sur la BBC ?

Sur la forme le débat censé prolongé l'émission diffusé dans le prolongement de celle-ci initialement prévu pour 40mn a été ramené à 15mn, ne laissant que peu de temps pour répondre aux nombreuses inexactitudes du reportage de 45mn.
Sur la forme toujours, on peut s'interroger sur la légitimité de la place considérable accordée à M Ibanez en pleine campagne électorale des élections régionales , présenté comme le principal opposant au projet et à qui l'émission pièce à conviction n'hésite pas à demander une expertise sur le temps de transport des voyageurs ! Quel est la légitimité d'un homme qui a été constamment désavoué par le suffrage universel , dans sa commune des Molettes tout d'abord en 2014 où il ne parvient même pas à se faire élire conseiller municipal , dans le canton de Montmélian en 2015 aux élections départementales où il ne rassemble même pas 5% des électeurs.

Sur la forme toujours la théâtralisation de la présence de ce même personnage à l'hôtel Matignon lors de la remise avec Michel Destot , de notre rapport sur le financement du Lyon Turin, présence contraire à toutes les pratiques républicaines qui veulent que le rapport soit remis à celui qui l'a commandé et que les débats sur son contenu aient lieu après que le gouvernement l 'ai rendu public, avec une priorité aux assemblées parlementaires.

Sur le fond ensuite les erreurs dont certaines reprennent mot à mot le contenu des tracts des opposants altermondialistes au projet sans même l'ombre d'un travail de vérification
Le coût du projet d'abord 26 milliards affiché dans le titre du reportage, comme dans des bandeaux passant à plusieurs reprises en surimpression durant celui-ci , et dans les bandes annonces comme le coût du seul tunnel de franco-italien ,ce montant est même poussé à 30 milliards, dans plusieurs parties du reportage.

Un arrondi d'un montant de 26 milliards , soit 4 milliards excusez du peu ! Le chiffre de 26 milliards présenté comme un chiffrage de la Cour des comptes, n'étant en fait qu'une évaluation évoquée d'une estimation de l'inspection des finances à partir de projection, le montant de référence des travaux de la Cour étant de 24 milliards, celui de l'évaluation socio économique de 2011 la dernière disponible au moment du référé adressé en 2012 au Premier Ministre .

Ce montant n 'est bien évidemment pas celui d’ "un tunnel" cité dans le titre mais celui de l'itinéraire complet en France mais aussi en Italie avec des voies d'accès italiennes représentant 2,2 milliards d'Euros qui relèvent du financement de la République italienne ce que le reportage ne précise à aucun moment, pas plus qu'il n'indique que le montant comporte aussi le contournement ferroviaire de Lyon dont la réalisation est indispensable en dehors même de la réalisation du Lyon Turin et représente un autre Milliard.
Au moins le débat aura permis d'évoquer le fait que les accès français pourront être réalisés en plusieurs phases en fonction de la croissance des trafics.
           
Le temps de transport ensuite , alors que le sujet est d'abord celui du transport des marchandises et du report du trafic poids sur le rail le reportage chronomètre le trajet entre Paris et Milan pour les voyageurs allant même dans une caricature supplémentaire à laisser croire que les circulations continueront à se faire sur la ligne historique entre Turin et Milan comme si cette ligne serait la seule demain à ne pas être dotée de rames permettant de circuler sur une ligne nouvelle en Italie. (Les rames actuels qui sont des tgv de premières génération adaptées au réseau italien)

On invente même un arrêt en gare de Modane alors même qu'aucune desserte voyageur n'existe à ce niveau puis qu'il s'agit d'un site de gestion du tunnel!
La disparition de la gare Dauphiné Savoie un moment envisagé à Francin  à proximité de Montmélian présenté comme un mauvais coup de Louis Besson alors maire de Chambéry vis à vis du Maire de Grenoble de l'époque Alain Carignon pour accréditer l'idée de règlement de compte entre élus locaux au mépris de l'intérêt général , alors même que cette décision s'est inscrite dans la logique du discours de Rennes d'Anne Marie Idrac ministre des transports sur le retour des gares tgv en ville. ce débat a été tranché il y a plus de 15 ans on peut donc s'interroger sur l'apport de cette séquence au dossier de fond.

Au passage le reportage qui se chagrine de l'éloignement de Grenoble dont
les flux d'échange avec l'Italie sont limités ignore totalement l'amélioration apportée pour la desserte des 750 000 habitants de la Haute Savoie et du million de lits touristiques des deux départements savoyards qui ne représentent  que 65% de la capacité des sports d'hiver de notre pays.

Le raccourci sur la présentation de la Transalpine transformée pour les besoins de la démonstration en officine des géants des travaux publics finançant cocktails et voyages (nous pouvons avec Michel Destot rassurer la réalisatrice de l'émission qui a bien noté à 2 reprises notre présence au colloque de la transalpine à Milan , nous avons payé nous même nos billets d'avions sur Easy Jet entre Paris et Milan, nous tenons les factures à disposition) On peut s'interroger pour savoir pourquoi n'ont pas été cités les nombreuses entreprises industrielles présentes dans la transalpine ou le port de Barcelone qui en attendent une meilleure compétitivité l'omission dans l'évolution des trafics du report sur le littoral où celui ci représente une nuisance considérable; et la présentation caricaturale du
"corridor du pauvre " en n'abordant que des échanges entre la Slovaquie et le Portugal en faisant l'impasse sur les 20%du trafic du tunnel sous la Manche à destination de l'Italie.

C'est d'ailleurs les flux économiques entre la Grande Bretagne , l'Italie et les Balkans qui avaient justifié la participation financières des anglais à la réalisation du tunnel historique du Mont Cenis la présentation du service expérimental d'autoroute ferroviaire comme un échec, avec aucune statistique sur l'accroissement de la fréquentation et le fait que ce segment est limité en distance et nombres de navettes , et de la ligne historique comme une ligne moderne qui aurait nécessité un milliard de travaux en omettant de préciser que ceci inclus des mises au gabarit y compris en Bourgogne , et le fait que les caractéristiques de la ligne avec des pentes à 3% est inapte à un trafic performant et ne peut être qu'une solution transitoire.


A aucun moment le reportage n'aborde la convention pour la protection des Alpes signée par la France s 'engageant sur le report du trafic sur le rail , à aucun moment le reportage n'évoque le fait que la Suisse , l'Autriche , l'Italie réalise des ouvrages similaires !

A aucun moment le reportage n'interroge les sociétés de transports routiers et les chargeurs pourtant directement concernées par le projet, et ce qu'elles peuvent en attendre!

Au bout du compte un reportage qui aborde le dossier par le petit bout de la lorgnette et passe à côté de l'essentiel où la journaliste ne donne crédit qu'aux arguments des opposants